Selon la nomenclature DINTILHAC, toute personne qui justifie d’une proximité de vie ou affective avec la victime décédée peut solliciter une indemnisation :
- de ses préjudices patrimoniaux : préjudice d’affection et d’accompagnement;
- de ses préjudice extra-patrimoniaux (frais divers, frais d’obsèques et pertes de revenus).
Cette définition est suffisamment large pour permettre l’indemnisation des victimes indirectes:
- qui justifient d’un lien de parenté (parent, enfant, frère, sœur, oncle, tante, cousins, cousines)
- qui, dépourvues de lien de parenté, établissent par tout moyen avoir entretenu un lien affectif réel avec le défunt
C’est ce dernier point dont il est question ici.
En l’espèce, une jeune femme de 26 ans est venue nous consulter au cabinet suite au décès tragique de son concubin dans un accident de la circulation.
Bien que dévastée par la perte de son compagnon, sa démarche n’était pas du tout indemnitaire.
N’étant pas mariée et n’ayant pas d’enfant, elle était persuadée qu’elle ne pouvait prétendre à aucune indemnisation.
Elle souhaitait simplement avoir accès au dossier pénal pour connaître les circonstances de l‘accident.
Or, de notre entretien il est ressorti qu’elle était en couple avec la victime décédée depuis bientôt 7 ans et qu’ils projetaient de se marier.
Sa proximité affective avec la victime directe était donc bien réelle et justifiait que le cabinet obtienne dans son intérêt une indemnisation de son préjudice d’affection et de son préjudice économique.
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L’indemnisation du préjudice d’affection en cas de décès de la victime directe
Selon la nomenclature DINTHILAC, ce poste de préjudice répare: « le préjudice d’affection que subissent certains à la suite du décès de la victime directe. Il convient d’inclure, à ce titre, le retentissement pathologique avéré que le décès a pu entraîner chez certains proches. »
L’indemnisation de ce poste de préjudice est très délicate puisqu’elle sous entend de réparer l’irréparable, à savoir la perte d’un être cher, mais aussi de donner un prix à la vie humaine.
Donc autant être très clair, ce préjudice est toujours mal indemnisé.
Pour donner un ordre d’idée, le référentiel indicatif du dommage corporel (page 70) préconise, pour les conjoints et concubins de la victime décédée, une indemnisation moyenne allant de 20 000 à 30 000 €, à moduler selon la durée de la vie commune…
Vous l’aurez compris, comparées à la perte d’un être cher, ces sommes sont dérisoires.
Même si ce référentiel n’est qu’indicatif (ce référentiel et bien d’autres feront l’objet d’un article ultérieur), magistrats et assureurs s’en prévalent largement pour tenter de minimiser ce poste de préjudice pourtant inestimable.
Il nous appartient donc à nous, avocat de victimes, de nous en détacher le plus possible pour mettre en avant l’histoire personnelle de ces victimes et la particularité de leur préjudice par rapport à un dossier lambda pour obtenir une indemnisation à la hauteur de leur douleur, capable de transcender leur chagrin mais aussi et surtout, de leur donner le sentiment que leur souffrance a été entendue.
Pour revenir à notre cas d’espèce, l’assureur minimisait le préjudice de notre victime aux doubles motifs qu’elle n’était pas mariée et qu’ils n’étaient en couple que depuis 7 ans.
Finalement, après d’âpres discussions, le cabinet a obtenu une indemnisation de son préjudice d’affection à hauteur de 24 000 €.
2. L’indemnisation du préjudice économique en cas de décès de la victime directe
Selon la nomenclature DINTHILAC, « ce poste comprend à la fois les revenus perdus par les proches du vivant de la victime directe lorsqu’ils ont dû cesser totalement ou partiellement leurs activités pour servir de tierce personnes et après le décès, les pertes de revenus du foyer. »
L’indemnisation de ce poste de préjudice sert donc à compenser, pour le conjoint/concubin et les enfants à charge, les pertes ou diminutions de revenus engendrées par le décès de la victime directe.
Pour parvenir à une réparation intégrale, il convient donc d’évaluer le revenu de référence, c’est-à-dire celui du foyer avant le décès, puis la part d’autoconsommation de la victime directe, pour ensuite dégager le revenu nécessaire au maintien du foyer.
Pour être plus clair, ce calcul doit à la fois tenir compte :
- des revenus passés de la personne décédée,
- de la part qu’elle consommait pour ses dépenses personnelles (vêtements, alimentation, loisirs)
- des revenus de son conjoint.
- du nombre d’enfants à charge et de leur âge.
La somme allouée à la famille est calculée ensuite de façon à offrir, la vie durant, l’équivalent de ce que la victime aurait pu apporter par ses revenus.
Lorsqu’on sollicite l’indemnisation de ce préjudice, le débat porte donc sur deux point:
- la part d’autoconsommation de la victime directe décédée.
Cette part d’autoconsommation est toujours évaluée de façon forfaitaire: 30 ou 40% pour un couple n’ayant pas d’enfant à charge, cette part diminuant en fonction du nombre d’enfants à charge.
Notre cabinet s’efforce d’évaluer le plus justement possible cette part d’autoconsommation en se basant sur des données objectives fournies par les victimes à l’occasion de nos différents entretiens (factures, échéanciers de prêt, relevés bancaires) pour tenter de reconstituer les habitudes de vie de la personne décédée au plus proche de ce qu’elles étaient avant la survenance de l’accident.
- le barème de capitalisation
Le barème de capitalisation utilisé a également son importance.Il est la résultante d’une table de mortalité et d’un taux d’intérêt
Il en existe plusieurs et chacun (avocats, assureurs, magistrats) se réfère à des barèmes différents.
Notre Cabinet s’est toujours battu sur ce point contre les assureurs en refusant d’utiliser leurs barèmes qui ne visent qu’à minimiser le réel préjudice subi par les victimes.
Pour revenir à notre cas d’espèce, les points de contestations étaient très nombreux concernant l’indemnisation de ce poste de préjudice.
Bien avant le débat sur la part d’autoconsommation et sur le barème de capitalisation, il a fallu faire admettre le principe même de ce poste de préjudice jusque là dénié par l’assureur qui n’acceptait de l’indemniser que de façon symbolique, et donc forfaitaire, estimant que la situation affective et professionnelle du couple était insuffisamment stable (concubinage, sans enfant, situation professionnelle précaire).
Finalement, à force de solides arguments et d’éléments de preuves incontestables, le Cabinet a obtenu une indemnisation intégrale de son préjudice économique à hauteur de 205 000 €.
« S’il n’est pas possible de faire revenir ce qui est perdu, il est toujours envisageable de favoriser l’apparition d’autres éléments positifs de la vie, en arrêtant le malheur et en ouvrant d’autres possibilités de bonheur. » (termes d’Olivier Abel, Professeur de philosophie éthique, membre du comité consultatif national d’étique, à l’occasion du colloque annuel du Conseil national des Barreaux de 2006 sur l’idée du « juste prix » )